Le fossé des générations face au savoir – Adamy Semeur | Adami Schola

 Adamy Semeur – « Je me souviens d’un temps où savoir, c’était être. » Je me souviens d’un temps où le savoir se portait comme un habit d’honneur.On le gagnait lentement, au fil des pages tournées, des mots recopiés, des regards levés vers celui qu’on appelait le maître.Apprendre, ce n’était pas consommer. C’était attendre, douter,…


 Adamy Semeur – « Je me souviens d’un temps où savoir, c’était être. »

Je me souviens d’un temps où le savoir se portait comme un habit d’honneur.
On le gagnait lentement, au fil des pages tournées, des mots recopiés, des regards levés vers celui qu’on appelait le maître.
Apprendre, ce n’était pas consommer. C’était attendre, douter, recommencer.
On nous enseignait que la connaissance faisait l’homme — qu’elle le façonnait comme la pierre polie par l’eau.

Je ne parle pas d’un âge d’or, non.
Mais d’un temps où la lenteur était encore possible, où le silence avait sa place dans la classe, et où l’on écoutait pour comprendre — pas seulement pour répondre.
Chaque mot, chaque formule, chaque expérience portait le poids d’une transmission.
Nous étions conscients d’appartenir à une chaîne : celle du savoir humain.


I. Quand apprendre demandait du temps

À cette époque, le savoir n’était pas à portée de main, il était à portée d’effort.
Nous n’avions ni écrans ni notifications : seulement nos cahiers, nos doutes et nos professeurs.
Le moindre résultat, la moindre démonstration réussie, était une victoire intime.

Je revois encore mes élèves, leurs plumes tachées d’encre, leurs regards qui oscillaient entre la peur de se tromper et le désir de comprendre.
Nous avions nos certitudes, peut-être trop. Nous croyions que l’élève devait recevoir avant d’oser penser.
Et pourtant, certains d’entre eux — les plus silencieux, les plus rêveurs — me rappelaient que la curiosité n’a pas besoin d’autorisation.

C’est à force de les observer que j’ai compris que le savoir ne se transmet pas, il se partage.
Qu’il ne se dépose pas dans un esprit, mais qu’il s’y déploie.


II. Quand la vitesse a remplacé la profondeur

Puis le monde a changé.
Les générations suivantes ont vu naître des machines capables de répondre plus vite que les maîtres.
Les livres se sont faits virtuels, les mots sont devenus flux, les réponses instantanées.
J’ai vu des élèves qui savaient trouver sans vraiment comprendre.
Et des enseignants, désorientés, cherchant à maintenir une rigueur dans un monde devenu mouvant.

Je ne les ai jamais blâmés.
Comment en vouloir à ceux qui naissent dans le bruit ?
Mais j’ai senti ce fossé grandir — non pas entre les âges, mais entre les manières d’exister face au savoir.
Les anciens apprenaient pour devenir.
Les nouveaux apprennent pour s’adapter.

Et au milieu de tout cela, quelque chose s’est perdu : le sens du lien.
Ce fil invisible entre celui qui sait et celui qui apprend, entre celui qui transmet et celui qui reçoit.


III. Quand j’ai compris que le savoir devait redevenir humain

Un jour, j’ai cessé d’enseigner pour écouter.
J’ai entendu des jeunes dire qu’ils se sentaient dépassés, non par l’ignorance, mais par la surcharge.
Leur difficulté n’était pas de comprendre une formule, mais d’en percevoir la valeur.
C’est alors que j’ai compris que le problème n’était pas la génération, mais le sens.

Le savoir s’était détaché de l’humain.
On ne demandait plus “Pourquoi ?”, on demandait “Comment ?”.
Et c’est dans cette différence que le fossé s’est creusé.

Je me suis souvenu de mes propres maîtres, de leurs gestes précis, de leurs silences éloquents.
Ils n’enseignaient pas seulement une matière, ils enseignaient une manière d’être au monde.
C’est cela, que j’ai voulu retrouver.
Non pas l’école d’hier, mais l’esprit d’apprentissage d’hier.
Celui qui relie la connaissance à la conscience.


IV. Quand Adami Schola est née dans une conversation

Tout a commencé par une question, presque banale

« Pourquoi apprenons-nous si vite, pour tout oublier ensuite ? »

Cette phrase, dite par une élève un soir de cours, m’a traversé.
Elle portait toute la lassitude d’une génération bombardée d’informations et affamée de sens.
Je n’ai pas su répondre tout de suite.
Mais cette question, elle a creusé son sillon.
C’est de là qu’est née l’idée d’un lieu différent : une agora du savoir, où l’on apprend pour comprendre, et non pour réciter.

Adami Schola n’est pas seulement une école.
C’est une mémoire en mouvement — un espace où les anciens et les nouveaux peuvent enfin se parler.
Un lieu où l’on apprend à apprendre à nouveau.


V. Ce que je crois encore aujourd’hui

Je crois que le savoir n’appartient à aucune époque.
Il change de forme, de support, de vitesse — mais pas de nature.
Il reste un chemin vers soi, une manière d’habiter le monde avec plus de clarté.
Le fossé des générations n’est pas une rupture, mais un rappel :
le monde change, mais la quête de sens demeure.

Nous devons cesser d’opposer l’ancien et le moderne, le maître et l’élève, le réel et le virtuel.
Car au fond, nous cherchons tous la même chose : comprendre pour exister.

Et si, quelque part, Adami Schola devait avoir une origine, elle serait là —
dans cette rencontre entre le passé et l’avenir, entre ma voix et celles qui s’élèvent aujourd’hui.
Un lieu où le savoir retrouve son humanité.


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